Chantal Arguin aime aujourd’hui définir son entreprise sous l’étiquette de « firme géospatial-conseil », une appellation qui inclut grosso modo les différentes expertises qu’elle offre. 

Mais à la naissance de Trifide, les services offerts étaient limités à trois domaines techniques. L’objectif initial était plutôt de faire sa place parmi les multinationales qui venaient tout juste de changer les règles du jeu. 

Au tournant de 2002, Chantal est arpenteure-géomètre au sein d’une entreprise ayant des projets de photogrammétrie aux États-Unis. Or, une faillite du bureau pour lequel elle travaillait vient mettre un terme aux activités de l’arpenteure-géomètre au cours de l’année. Forcée à se réorienter rapidement, et profitant de l’occasion de réaliser son rêve entrepreneurial, Chantal fonde à Québec sa propre compagnie de géomatique, le Groupe Trifide, avec huit employés à sa charge.

« On a littéralement démarré ça dans mon sous-sol, mais c’est parti en force. Dès la première année, on a eu comme mandat de faire une cartographie virtuelle de la Communauté urbaine de Lyon. » 

Ce projet permet ensuite à Trifide de réaliser une centaine d’autres villes virtuelles en Europe.  

Modélisation

C’était quelque chose d’assez nouveau à l’époque, la cartographie virtuelle. Jusqu’à ce qu’on se fasse damer le pion par un nouveau joueur.

Compétitionner

Ce nouveau joueur, c’est Google, avec ses services Earth et Maps. La primeur dont bénéficiait Trifide est devancée en quelques années par la multinationale qui, grâce à ses moyens gigantesques, réussit à faire le même travail de cartographie virtuelle dans un temps record. 

Quand j’ai entendu parler de Google, il a fallu que j’aille voir sur Internet pour savoir ce que c’était. Je ne savais pas que ça deviendrait si gros.

N’arrivant pas à se maintenir face au géant californien, Trifide n’a d’autres choix que réduire ses activités à partir de 2005, alors qu’il passe de 71 à 40 employés. Mais cette restructuration permet à Trifide de repartir plus fort, en se concentrant sur d’autre projets plus spécialisés et moins gourmands en main-d’œuvre. 

« Je me suis dit : ok, Google nous compétitionne. Alors nous allons être stratégiques. Nous allons compétitionner Google… mais par un autre chemin. » 

À partir de 2008, l’entreprise se concentre ainsi sur la cartographie mobile de précision, une sorte de « Google Street View » améliorée. Car contrairement à Street View, les photos à 360 degrés de Trifide référencent de façon hyper-précise tous les points visibles dans l’image, grâce à une technologie d’une précision unique. 

En d’autres mots, la photo à 360 degrés est également une représentation 3D de l’environnement, qui peut ensuite être transposée dans un logiciel de cartographie ou de modélisation en trois dimensions. 

L’expérience de cartographie mobile se révèle un grand succès. Profitant de l’apanage d’un savoir-faire très niché, Trifide arrive à décrocher des dizaines de mandats pour des municipalités québécoises afin de réaliser des inventaires d’actifs municipaux et d’arpentage 3D de grande précision. 

« En affaires, si nos compétiteurs convergent vers un marché, il faut déjà être ailleurs. » 

Grâce au succès de sa cartographie mobile de précision, Trifide devient très populaire auprès des municipalités au Québec, qui mandatent l’entreprise pour modéliser leur territoire en trois dimensions. Mais un événement inattendu ralentit fortement l’octroi de contrats municipaux pendant un certain moment. 

Dès 2009, le Québec est subjugué par les reportages journalistiques qui mettent au jour les scandales de corruption et de collusion qui ont lieu dans le milieu de la construction et, notamment, dans le milieu municipal. Cela mène ultimement à la création de la Commission Charbonneau, en 2011, qui procédera à d’autres révélations choquantes et refroidira l’octroi de contrats publics par les municipalités. 

« Ça a affecté 100 % des entreprises qui avaient des contrats avec des municipalités, peu importe leur nature et leur provenance. Le problème, pour nous, c’était que les municipalités représentaient nos plus gros clients. » Trifide en ressent ainsi les effets dès 2013, alors que les municipalités mettent le frein sur l’octroi de contrats, par peur d’être associés aux scandales. 

« Pour un contrat de 1500 $ au municipal, il fallait désormais remplir un formulaire de sept pages. Ça a créé un ralentissement énorme. » 

Chantal et son équipe se mettent à pied d’œuvre pour raccrocher la clientèle à leurs services, et ce, avant leurs compétiteurs. 

Je suis allée cogner à des portes, j’ai fait plus de 700 présentations… Pendant au moins deux ans, c’était assez stressant. 

Mais la détermination porte ses fruits. À partir de 2015, la machine se remet en marche, et les organisations reviennent dans l’arène de la cartographie mobile. Trifide, se démarquant par son éthique irréprochable, a pu profiter d’une longueur d’avance dans ce redémarrage. 

Aujourd’hui, l’expertise de Trifide va beaucoup plus loin que son offre de service 3D. 

Nous sommes reconnus par notre savoir-faire dans tout le processus de cycle de vie d’une donnée 3D certifiée.