Gin & Tonic

Trois amis de longue date se retrouvent autour d’un feu, un soir de l’été 2016, et renouent avec une activité qu’ils adorent : déguster des spiritueux.

En partageant leurs découvertes, Mathieu Caron, Nicolas Bériault et Dominic Proulx, au tournant de la trentaine, lancent l’idée de produire leur propre alcool. Ils ont les yeux illuminés quand ils jasent de démarrer une entreprise qui produirait des spiritueux.

Par pur plaisir, les gars brassaient de la bière à l’adolescence, et ce, jusqu’à l’âge de 20 ans. Environ 10 ans s’étaient écoulés lorsque le projet de distillerie est abordé.

Comme les trois mènent respectivement une carrière stimulante, ils croient rêver en couleurs, le lendemain de cette fameuse soirée, quand ils repensent à ce projet d’entreprise. Or, l’étincelle qui les a allumés la veille ne dérougit pas.

Les gars créent donc une conversation sur Messenger et, chaque jour, chacun partage spontanément le fruit de ses recherches et ses nouvelles idées.

Au bout d’une semaine, on réalise qu’on s’est jasé tous les soirs. On se dit que le projet est peut-être plus sérieux que l’on pense.

La flamme de réaliser leur rêve d’entrepreneurs les a motivés à se mettre en action pour vivre de leur passion.

Rêve & Passion

Le trio continue les démarches si bien qu’en avril 2017, Nicolas est le premier à quitter son emploi d’estimateur de chantiers de construction.

« Ça faisait quand même du sens dans nos répartitions de tâches que je sois le premier à faire le grand saut parce que tout ce qui est logistique, mise en place de calendrier de production, c’est davantage mon volet. De toute façon, on n’aurait pas pu se verser suffisamment d’argent pour vivre les trois gars simultanément dès le départ. »

Durant cette même année, les amis enregistrent officiellement leur entreprise sous le nom de « Distillerie des Trois-Lacs inc. » pendant qu’ils bâtissent leur entreprise sur papier. « Ça a quasiment pris deux ans faire notre plan d’affaires. Nicolas et moi, on est des gens qui analysons énormément, qui voulons avoir 100% de l’information avant de faire quelque chose. »

D’ailleurs, ce « plan d’affaires béton » fait partie des forces initiales de l’équipe, car il démontre leur sérieux.

Partout où on passe ensuite avec notre plan d’affaires, tout le monde est très impressionné. C’est dû aussi à nos expériences antérieures.

L’équipe du Centre local de développement (CLD) de Valleyfield et la Société d’aide au développement des collectivités (SADC) sautent à pieds joints dans l’aventure. Malgré leur appui, la recherche de financement reste ardue, car les jeunes entrepreneurs ont peu d’économies et de garanties à offrir. Ils se rivent le nez à des portes closes aux deux premières institutions financières auxquelles ils s’adressent. Le refus, selon eux, est compréhensible.

Le risque d’une banque, c’est que le seul client soit la SAQ.

Le banquier comprend rapidement qu’il doit financer le démarrage, soit l’aménagement d’un local, l’achat d’équipements, le développement d’un produit, la mise en bouteille, la création de l’étiquette, et ce, sans savoir si la SAQ acceptera le produit. Il s’agit d’un long processus risqué…

« Finalement une personne à la Banque nationale a accroché sur nous, notre passion, notre histoire, notre sérieux et ça a fonctionné. »

À l’été 2018, l’institution leur octroie un prêt de 150 000$.

Ça a permis de partir la machine!

Création!

Les entrepreneurs font des blitz d’appels téléphoniques auprès des directeurs de la SAQ pour leur offrir leur nouveau gin.

Ils essayent de comprendre le marché et, surtout, de réussir à ce que leurs premières bouteilles se retrouvent sur les tablettes de la Société d’État pour le temps des Fêtes.

On voulait frapper un grand coup rapidement.

Cependant, la réponse de la SAQ est souvent négative. Les responsables leur répètent : « Tous mes étalages pour Noël sont faits. Je n’ai plus de place pour toi. »

À la suite de ces refus, ils ont la brillante idée de faire parler de leur gin à la populaire émission matinale « Salut Bonjour! » diffusée à TVA. Un contact, qui a eu un coup de coeur pour leur entreprise, propose leur gin citron tournesol à Patrice Plante, surnommé « Monsieur cocktail », qui le choisit pour sa chronique « cocktail des Fêtes ». Pour la jeune distillerie, il s’agit d’une visibilité inespérée peu de temps avant Noël.

Après avoir eu la confirmation de leur passage, les jeunes associés rappellent à la SAQ pour les prévenir que leurs clients, qui allaient entendre parler de leur gin à l’émission, risquaient de leur demander le produit. Bon nombre de directeurs des succursales SAQ acceptent finalement de leur commander une caisse ou deux.

À cause de ça, on a réussi à ouvrir les portes. Ça nous a permis d’être sur les tablettes pour Noël.

Durant l’émission, « Monsieur cocktail » présente à merveille le produit, en suggérant aux téléspectateurs d’utiliser le gin pour le punch du temps des Fêtes. Il démontre comment cette « solution pratique » simplifiera la préparation du cocktail, qui saura plaire aux invités.

Chose certaine, ce passage atteint sa cible et permet de rejoindre les consommateurs qui sont de plus en plus friands de produits québécois.

« On a pu démarrer le processus sinon on aurait manqué la plus grosse période de l’année. Il aurait fallu se positionner dans des mois qui sont très morts, soit janvier, février et mars. »

Le nouveau gin reçoit le coup de pouce parfait, au bon moment. « Ça a été l’élément déclencheur, la bougie d’allumage pour être présent à la SAQ. »

L’opération réussit si bien que Dominic peut à son tour joindre à temps complet l’entreprise, qui fait l’acquisition d’une nouvelle chaîne d’embouteillage en janvier 2020.

Croissance fulgurante

Les trois entrepreneurs sont fiers d’avoir transformé un loisir en un gagne-pain qui ne fait que des heureux.

Les gars sont conscients d’avoir bénéficié d’un « bon timing » avec la pandémie et sont encouragés que leur entreprise génère des profits, mais pour eux, l’entrepreneuriat signifie davantage qu’une « grosse machine à faire de l’argent ». Il est possible de réussir sans être l’enfant d’un « papa riche » ou d’avoir eu trois entreprises à son actif.

Si tu mets de l’énergie, de la passion et que tu gardes le plaisir, ça aussi ça peut être signe de réussite.

Ils en sont la preuve… Ces trois « boys » ont démarré leur projet avec « rien dans les poches » et l’ont mis à terme. « Le fait d’être les trois en affaires, ça fait en sorte qu’une fois par semaine, on se retrouve à la distillerie et, le soir, on jase de plein de choses. On est les trois « boys », les trois amis réunis durant une soirée. On a travaillé, mais c’était agréable! »

Les partenaires se font un devoir de bien communiquer, en se parlant souvent et « réellement ». Ils partagent leurs visions, leurs idées et se « challengent ».

On ne garde rien sur le coeur. On n’est pas rancuniers. On dit ce qu’on pense et quand quelque chose ne marche pas, on le règle.

Fierté

Leur amitié fait même partie des aspects bénéfiques de l’entreprise. Chacun connaît les limites des autres et, quand ils discutent, ils savent en prendre et en laisser. « On n’est pas susceptibles. Si on l’était, ça ferait longtemps que ça aurait explosé! »

Les gars ne s’exigent pas non plus d’être « dans le tapis » tout le temps.

D’ailleurs, avant de faire le grand saut, ils avaient rédigé une « convention des actionnaires » pour s’assurer que les règles étaient claires afin de préserver leur amitié.

Notre plus grande fierté, c’est qu’on a encore du plaisir et qu’on s’entend encore tous les trois. C’est ça aussi l’entrepreneuriat. Ça peut être aussi simple que ça.

Le spécialiste de la logistique

Nicolas Bériault
Associé

Depuis qu’il est en âge de le faire (et peut-être avant) Nicolas adore produire de l’alcool, faire de la bière, goûter du whisky ou du gin. Nicolas a été le premier à faire le grand saut pour s’investir à temps complet à la distillerie. À son avis, la force du trio, c’est être complémentaire. Cet homme aime bien analyser pour ensuite foncer.

On a 1000 idées qu’on veut mettre en place, mais on veut bien faire les choses.

Auparavant, ce diplômé de l’Université de Sherbrooke en géomatique s’occupait de l’estimation de grands chantiers de construction, principalement dans la métropole. Son travail l’a aussi amené à voyager jusqu’en Afrique. Il préparait les calendriers, prenait les contrats, négociait les fournisseurs, jouait avec les devis, la réglementation, gérait les prix, les budgets, etc. Le fait de bâtir le projet dans sa tête pour ensuite le mettre en chantier a allumé chez lui la flamme entrepreneuriale.

Le capitaine de la production

Dominic Proulx
Production

Dominic est le manuel de l’équipe. Il aime travailler dans toutes les positions: assis, à genoux, étendu par terre, etc.

Cet amoureux des spiritueux est reconnu pour son palais et son nez incroyable qui font de lui un puriste des saveurs. Il possède la patience de distiller des centaines de fois un produit pour arriver au résultat espéré. Frigoriste de métier, il aimait travailler sur les chantiers de construction. L’occasion de fabriquer au quotidien de l’alcool dans sa propre distillerie venait beaucoup le chercher et l’a convaincu de sauter dans l’aventure. Terre-à-terre, Dominic est le gars le plus « terrain » de l’équipe. Il aime être plongé dans l’action et s’amuse à rire de ses associés qui discutent sans arrêt.

Tout est partagé avec Dominic qui amène son opinion. Il a 100% son mot à dire!

Terre-à-terre

Le pro des finances et du marketing

Mathieu Caron
Finances et marketing

Mathieu détient un bac et une maîtrise en architecture, en plus d’un DES en gestion de projets. Avant la distillerie, il travaillait en gestion de projets hospitaliers, comme le chef d’orchestre des opérations.

J’avais un poste super intéressant avec beaucoup de défis, mais le côté entrepreneur était en moi et cherchait toujours à aller un peu plus loin.

Mathieu est le dernier à avoir joint la distillerie à temps complet et il ne le regrette pas. Il adore la prise de décisions rapides d’une petite entreprise qui le stimule.

C’est vraiment valorisant. Tu as l’impression que ton implication, ce que tu fais dans ton « day to day », a un impact tellement direct sur l’avancement de l’entreprise.

Cet esprit critique allie à la fois rigueur et plaisir, que ce soit en faisait des blitz d’appels téléphoniques auprès des responsables de la SAQ, en transigeant avec des firmes marketing ou en philosophant sur l’avenir de l’entreprise…

Les entrepreneurs ont commencé des démarches pour exporter leurs produits, mais avant tout, ils trouvent important de consolider leurs acquis au Québec.

Conscients du potentiel à l’étranger, ils se préparent à exporter leurs produits dans le nord-est des États-Unis et dans le reste du Canada ainsi qu’au Royaume-Uni.

Cette préparation les a amenés à réfléchir au positionnement de l’entreprise au Québec, à la direction qu’ils voulaient lui donner et à créer de nouveaux produits.

Avant d’investir leur énergie vers d’autres pays, ils veulent s’assurer que les limites du marché québécois, qu’ils ne veulent pas négliger, sont vraiment atteintes.

Exportation

Être fort chez toi, c’est la base. Si tu ne l’es pas, ça va être difficile. Il ne faut jamais perdre de vue le Québec.