Jean-François Champoux

Matières premières

Lanaudière

Sise au coeur de la Haute-Matawinie à Saint-Michel-des Saints, au nord de la région de Lanaudière, la Scierie St-Michel est l’histoire d’une communauté tissée serrée. C’est l’histoire d’un village qui s’est regroupé pour mettre sur pied un projet novateur et local, un village désormais maître de son destin et qui redonne une nouvelle conscience sociale à ses activités.

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Les prémices...

Une conjoncture en dents de scie

Saint-Michel-des-Saints a toujours été le berceau de nombreuses entreprises forestières au Québec. Au coeur de la forêt boréale,
le lieu permet un accès facile aux ressources. Mais au cours des décennies, le village lanaudois a également subi les contrecoups d’une industrie parfois imprévisible.

Depuis plus de cent ans, des investisseurs étrangers, notamment américains et ontariens, se partagent l’exploitation d’une scierie au coeur du village, où ont toujours travaillé une bonne partie des citoyens. Le bois d’oeuvre étant soumis à diverses fluctuations du marché, comme la demande mondiale et les prix, l’intensité opérationnelle de la scierie a souvent suivi ces paramètres externes, modulant la vitalité du village
dans son sillon, via le sort de centaines d’emplois locaux.

Jean-François Champoux est de ceux qui ont vu la scierie dans ses bonnes comme dans ses mauvaises années. Elle passe entre les mains de différents propriétaires qui, en plus de jongler avec les facteurs externes, n’ont pas toujours à coeur la vitalité de la communauté.

« Tous les investisseurs se passaient
la balle, et personne ne pouvait – ou ne voulait – garantir une sécurité d’emploi
aux citoyens d’ici. »

Mises à pied suivies de réembauches, tout cela accentué par un manque de communication de la part des employeurs… un climat d’incertitude a longtemps plané sur l’avenir des activités de la scierie et des chantiers forestiers de Saint-Michel-des-Saints.

À un moment donné,
les gens se sont tannés, et ils ont décidé de
se prendre en main.

Au début des années 2000, un changement de paradigmes se met tranquillement en place dans la communauté. Le dernier grand coup arrive en 2014 lorsque la scierie annonce une deuxième grande fermeture, mettant potentiellement un terme définitif
à l’exploitation et à la transformation et du bois dans la région.

Rapidement, tout le village s’est réuni et s’est dit : ok, c’est à nous de relancer la scierie. On va faire un projet lanaudois, pour les Lanaudois, par les Lanaudois. C’était une belle démonstration
de solidarité.

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La forêt qui renaît

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Vingt-quatre acteurs de la région – des particuliers comme des entreprises – se sont réunis pour relancer le projet de scierie à Saint-Michel-des-Saints.
Un projet complètement différent du précédent.

En 2015, le nouveau groupe achète le
terrain de l’ancienne scierie et agrandit
son espace. Parmi les nouveaux investisseurs, on retrouve au premier plan la famille Champoux, avec Jean-François Champoux
à la barre. Ce dernier est membre d’une longue tradition de père en fils et de
mère en fille.

Depuis les années soixante, sous le nom
de Sylvio Champoux & Fils, la famille oeuvre dans les domaines de la route, du granulaire et de l’excavation. En 2007, Jean-François rachète à son père les parts de l’entreprise, ce qui lui permet, en 2015, de lancer le Groupe Champoux dans l’aventure de
la Scierie St-Michel.

 

La famille Champoux, aux côtés des actionnaires Jacques Éthier, Alain Rigault, Marc Prud’homme (de l’Auberge du
Lac Taureau) et Jean-Yves Cardinal possèdent environ 85 % des parts de la nouvelle Scierie St-Michel. Le 15 % restant
est détenu par une variété de micro-actionnaires de la région. Aujourd’hui,
on dénombre 24 investisseurs ayant des parts dans l’entreprise.

« La Scierie
St-Michel, c’est
l’histoire de gens qui voulaient sauver le gagne-pain de leur communauté. »

En 2017, la nouvelle entreprise est officiellement mise en activité,
avec Jean-François Champoux comme président-directeur général. En amont
de l’ouverture officielle, la restructuration
est difficile, mais fructueuse.

Avant sa fermeture en 2014, la scierie affichait le pire bilan de consommation de fibre par unité produite.
Au Québec, elle se classait au 51e rang sur 51. Puis trois ans plus tard, on avait déjà ramené la scierie en milieu de peloton dans
le classement.

 

Solidarité

Des racines profondes

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Fierté

Pour Jean-François, la vie est une série de précipices qui nous invitent à sauter dans le vide – mais qui sont aussi de formidables occasions de se redéfinir.

Jean-François Champoux n’aurait pas pensé prendre un jour les rênes d’une si grande entreprise. Redoutable joueur de hockey, il débute une jeune carrière dans les ligues majeures avant de tout arrêter à cause d’une blessure. Il se tourne alors vers son autre passion : le travail sur les chantiers, qu’il concrétise avec l’obtention d’un DEP en électromécanique de systèmes automatisés.

« Le projet de la scierie, c’est arrivé un peu sur le tard, mais c’est définitivement ma plus grande fierté. J’ai encore prouvé que j’étais un gars polyvalent en ajoutant cette aventure-là à mon parcours, et ça me
rend fier. »

 

 

Mais tous les employés et investisseurs n’ont pas peur de le dire : avant de se rendre là, « la route de la Scierie St-Michel a été plutôt sinueuse ». Entre autres parce qu’à partir des années 1980, l’opinion publique devient très méfiante de l’industrie du bois, en raison de dérapages environnementaux et sociaux largement médiatisés. Ce climat perdure au moins une vingtaine d’années.

« Dans les années 2000, au moment où
on discutait de potentiellement relancer
le projet de scierie à Saint-Michel, on n’était pas dans un contexte social favorable. »

Mais l’industrie n’est plus ce qu’elle était. Elle s’est retroussé les manches et s’est transformée. Nous, dans notre projet de scierie en 2015, on a misé sur l’exploitation durable dès le départ.

Vision et valeurs...

Pas de nature sans forêt

Dès le départ, Jean-François s’est empressé d’acquérir les certifications FSC et CEAF, les deux distinctions les plus reconnues en termes d’aménagement durable de la forêt au Québec.

Ces étiquettes assurent aux clients et aux consommateurs que le bois est prélevé
d’une façon plus responsable, grâce à une
coupe parcimonieuse, en laissant la chance
à la forêt de se renouveler annuellement,
sous la supervision d’ingénieurs forestiers
et du ministère des Forêts, de la Faune et
des Parcs.

 

Collectivité

 

La certification FSC (Forest Stewardship Council) est d’ailleurs la certification la plus reconnue à l’international dans l’exploitation forestière. En plus des normes environnementales, elle intègre également d’autres exigences de développement durable, comme le bien-être des travailleurs et les droits des Premières Nations sur le territoire exploité.

Dans Lanaudière, la Scierie St-Michel exerce ses activités près du territoire Atikamekw, et plus particulièrement près de la communauté de Manawan. C’est pourquoi plus de 15 % des emplois de la scierie sont réservés exclusivement aux membres des Premières Nations, une cible que Jean-François espère augmenter dans le futur.

« Ici, les gens de Manawan font partie de la famille. Ils ont des réalités sociales différentes des gens du village de Saint-Michel-des-Saints, c’est certain. Mais au fond, ils veulent juste travailler et bien gagner leur vie. On se doit de bien les intégrer au projet. »

Manawan est située à près de 90 kilomètres de la scierie, au bout d’une route isolée dans la forêt, et parfois cahoteuse.

« C’est assez complexe pour les travailleurs de faire l’aller-retour chaque jour à Manawan. Il leur fallait un pied-à-terre à Saint-Michel. »

De plus, la communauté autochtone connaît actuellement une importante pénurie de logements. Grâce à la Scierie St-Michel,
les employés provenant de Manawan peuvent ainsi compter sur une Maison des travailleurs pour les héberger à Saint-Michel-des-Saints.

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Plancher sur l’avenir

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Respect

Tous les entrepreneurs le disent : miser sur la formation
de sa main-d’oeuvre, c’est assurer sa relève pour l’avenir.
La Scierie St-Michel a pris cette leçon au pied de la lettre.

Alors que la pénurie de main-d’oeuvre fait rage au Québec, la situation est tout à fait inversée dans l’entreprise de Jean-François.

« On est full staff, et on a encore plein de candidats potentiels qui pourraient entrer travailler. On va à l’inverse de la tendance dans les entreprises du Québec, et particulièrement dans le secteur manufacturier. »

Leur recette ?

La scierie offre, à même ses installations, une formation professionnelle complète (DEP) accréditée par le ministère de l’Éducation du Québec dans trois domaines liés à l’industrie forestière : opération de machinerie d’usine, opération de machinerie lourde et opération de machinerie du bois. Il va sans dire qu’une proportion importante des diplômés du centre de formation professionnelle décident de rester à Saint-Michel-des-Saints pour travailler dans la scierie, puisqu’ils ont appris à connaître le milieu.

En 2023, on veut augmenter l’offre de cours. On veut créer
un DEP en charpenterie-menuiserie et un autre en mécanique industrielle.

« Une main-d’oeuvre bien
formée et adaptée à la réalité
locale, ça n’a pas de prix. Si tu donnes des bonnes conditions
à ces employés-là ensuite,
t’es parti pour le succès. »

 

Ouverture

Un écosystème mature

Ce projet n’aurait jamais pu être mis en oeuvre sans l’alliance
de tout un écosystème d’acteurs locaux importants. Une force du
nombre qui a fait de la Scierie St-Michel un acteur important
dans le secteur forestier canadien.

C’est le 30 août 2017 que la scierie démarre
officiellement ses premières machines, après
deux ans nécessaires à l’ouverture et la mise
à niveau des installations – entre autres via
un projet de modernisation de 13,2 millions
de dollars.

Un jour que Jean-François se rappelle comme
si c’était hier, puisqu’il pilotait depuis 2015 la
direction du projet. Il voit maintenant tout
le chemin parcouru : en sept ans seulement,
la croissance des activités a été plus rapide
qu’en près d’un siècle d’exploitation du bois
à Saint-Michel-des-Saints.

 

Durable

 

« Aujourd’hui, la Scierie St-Michel
compte cent mille pieds carrés d’usine,
près de 180 employés et 70 millions de
dollars de chiffre d’affaires ; des chiffres
vénérables pour une entreprise locale en
région éloignée. »

Des 180 employés, environ quarante sont
affectés aux postes de direction, puis on
y retrouve maintenant un département
d’ingénierie, en plus de la comptabilité,
des achats et des ressources humaines.
Le reste de l’équipe est formé d’opérateurs
et d’ouvriers dans les chantiers d’exploitation
répartis un peu partout dans la Haute-Matawinie
(qui correspond au nord de Lanaudière)
et les régions avoisinantes.

La Scierie St-Michel est partenaire de
FPInnovations, un organisme sans but
lucratif qui aide les entreprises forestières
canadiennes à optimiser leur croissance,
particulièrement grâce à des projets en
Recherche & Développement. Jean-François
aime relever que les avancées de son
entreprise se manifestent surtout dans
les petits détails.

Par exemple,
actuellement, on est
totalement indépendants
dans l’approvisionnement
des pièces de rechange
nécessaires pour nos
équipements. Tout est
fabriqué sur place ou
acheté localement.

 

Se diversifier

 

Le marché de distribution de la scierie couvre maintenant l’entièreté du territoire canadien et américain. C’est même aux États-Unis
que sont vendus plus de 65 % des produits.
La majorité de la production est constituée de bois d’oeuvre, c’est-à-dire du bois travaillé et prêt à l’utilisation pour les particuliers :
des planches de 2×4, des panneaux de
bois, etc.

« Nos produits sont vendus majoritairement dans des quincailleries. Aux États-Unis, c’est le groupe Menards, un des plus gros quincaillers américains, qui vend la majeure partie de la production. »

« Dans beaucoup d’États du nord des
États-Unis, Menards, c’est comme le
Canadian Tire ici. Pour nous,
c’est énorme! »

Mais la Scierie St-Michel ne vend pas que du bois d’oeuvre. Elle vend également des produits bruts, c’est-à-dire des produits de bois qui sont envoyés à d’autres usines pour participer à l’assemblage de produits secondaires (pour faire des meubles, des bâtiments, etc.)

Pour rester compétitifs, il faut être diversifiés dans notre production. 

 

 

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En coulisse...

Mot descriptif

 

Jean-François Champoux
Président – Directeur général

Né à Saint-Michel-des-Saints, Jean-François grandit dans une famille où l’entreprenariat leur coulait dans le sang : Sylvio Champoux & Fils, l’entreprise familiale fondée en 1961, est un pilier du développement économique de la région. Jean-François développe rapidement le goût de la compétition et du dépassement de soi grâce à son talent et sa passion pour le hockey. Promis pour les ligues d’élite, c’est malheureusement en raison d’une fâcheuse blessure qu’il doit retirer son chandail de joueur.

Après son cours en électromécanique de systèmes automatisés, Jean-François travaille les fins de semaine pour l’entreprise familiale, sur toutes sortes de tâches. Puis il devient officiellement opérateur de machinerie lourde jusqu’en 2007.

« Une de mes plus grandes qualités, c’est d’être très polyvalent ! » Il aime également tout ce qui touche à la gestion, et il acquiert graduellement beaucoup de connaissances dans le domaine avant de prendre la tête de la scierie à l’aube de ses 35 ans.

 

Si j’ai un conseil à donner aux jeunes entrepreneurs : prenez le temps de suivre des cours de gestion, même si ce n’est que pour quelques heures ! Ça vous sera toujours utile.

Sa journée typique ? Eh bien, elle est à l’image de l’homme : extrêmement variée. Planification de phases au bureau, accompagnement des équipes, rencontre de partenaires, tour en forêt sur la machinerie…

« J’essaie de garder toujours du travail de terrain dans mon horaire. Je donne des directives en haut de la structure, mais j’aime voir si ça se rend en bas. Puis, ça montre aux travailleurs qu’on vit dans le même monde, eux et moi. Ça crée de l’empathie. »

Polyvalence

Une esquisse de l’avenir...

Toucher du bois

Jean-François est conscient des défis qui s’en viennent,
mais il est confiant pour la suite des choses.

La scierie peut compter sur Investissement Québec et Desjardins Entreprises Lanaudière, qui sont dans le projet depuis le début.

« Mes banquiers, je ne les vois pas comme des irritants, mais plutôt comme des alliés. Il faut leur dire tout ce qui se passe, tout le temps. Parce que même quand ça va bien, si tu ne leur dis pas ce qui se passe, ils ne peuvent pas t’aider quand ça va mal. »

Jean-François est également fier de l’équipe d’actionnariat « tissée serrée » qui gouverne le bateau depuis 2015. « Il faut croire en son projet si tu veux que les partenaires embarquent. Nous, c’est ça qui nous a
permis de surmonter le plus gros problème des entreprises en démarrage, c’est-à-dire
le cash-flow. »

Notre meilleur coup, c’est de s’être fait confiance. Notre pire coup ? C’est de ne pas s’en être rendu
compte avant.

En 2021, l’entreprise a acquis l’usine de la Louisiana Pacific à Saint-Michel-des-Saints. Elle souhaite maintenant poursuivre sa croissance sur le territoire, mais surtout
sa capacité de transformation du bois.

 

Perfectionnement

 

On aimerait potentiellement faire des produits de deuxième, voire troisième transformation. Et pour ça, on aura besoin de nouveaux équipements. Mais ça nous ouvrira de nouveaux marchés, plus près des consommateurs comme vous et moi.

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Scierie St-Michel

621, rue Saint-Georges,
Saint-Michel-des-Saints
(Québec) J0K 3B0

scierie-stmichel.com

Éditeur : Memorial Éditions
Direction de l’édition : Audrey Dallaire
Auteur : Laurent Mercier-Roy
Conception graphique : Liliane Racine
Révision : Marcelle Racine

 

© 2023, Memorial Éditions

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