Alain Paradis
Matières premières
Saguenay-Lac-Saint-Jean
Coopérative Forestière de Petit Paris est une organisation québécoise qui oeuvre dans l’industrie forestière depuis plus de 50 ans. Fièrement implantée à Saint-Ludger-de-Milot, dans la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, elle offre des services forestiers intégrés : de l’aménagement jusqu’à la transformation du bois, en passant par la valorisation de la fibre et la production de sous-produits. Du premier jusqu’au dernier, ses membres sont un exemple inspirant de persévérance.
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Les prémices...
De robustes racines
Peu de temps après la Première Guerre mondiale, plusieurs cultivateurs québécois décident de former un syndicat de chantier (l’Union des cultivateurs catholiques) afin de s’assurer d’obtenir des revenus durant toute l’année.
Le transport de bois à cheval
Visite du curé au chantier
Durant les hivers rigoureux, les fermiers exécutent des contrats de coupe de bois pour subvenir aux besoins de leur famille nombreuse. Se retrouvant souvent dans les mêmes secteurs de coupe, les membres du chantier de Saint-Ludger-de-Milot au Lac-Saint-Jean et ceux du chantier voisin à Saint-Augustin décident d’unir leurs forces.
Le 6 mai 1968, ils fondent la Coopérative forestière de Petit Paris.
C’est l’Abbé Roméo Simard qui lui a donné ce nom, en référence à la Petite rivière Péribonka, que les anciens nommaient Paribonka.
Les travailleurs agissent comme sous-traitants pour la compagnie Price Brother Limited et se partagent ainsi les coûts reliés à leurs activités. Durant les premières décennies de leur existence, ils s’affairent à livrer des volumes de bonne qualité et s’adaptent aux nombreux changements du secteur forestier.
Union & Adaptation
Horizon incertain
Le début des années 80 est une période difficile pour la coopérative, qui n’a pas beaucoup de travail et qui perd un gros contrat en provenance de la compagnie Abitibi Price.
Le conseil d’administration, qui planchait déjà depuis plusieurs années sur un projet d’envergure, décide de le mettre à exécution pour diversifier ses activités et assurer la pérennité de l’entreprise.
Scierie en 1987
M. Yvon Bouchard et M. Louis Houde
Chaque membre injecte une somme importante d’argent pour la construction d’une usine de sciage qui démarre le 15 mai 1987.
Ils ne voulaient pas regarder le train passer. Ils étaient là pour durer.
La scierie Petit Paris débute ses opérations de transformation du bois trois mois plus tard.
Inauguration de la scierie le 30 octobre 1987
De meilleurs jours
En janvier 1989, la coopérative s’associe avec la compagnie Abitibi-Price (qui devient plus tard Produits forestiers Résolu) pour fonder Produits forestiers Petit Paris, dont ils sont propriétaires à parts égales.
« C’était un bon partenaire parce qu’il était bien implanté dans la région avec des papetières à Alma, Dolbeau et Saint-Félicien. »
La nouvelle entreprise connaît une croissance phénoménale. La même année, la Coopérative forestière de Petit Paris obtient les droits de son territoire pour effectuer les travaux sylvicoles prévus par le gouvernement.
Cela a permis de développer toute l’expertise de l’aménagement forestier, qui est un gros élément de nos travaux encore aujourd’hui.
Petit Paris ajoute donc plusieurs cordes à son arc en assurant la préparation de terrain, les travaux d’éclaircie et le reboisement.
Elle a rapidement fait sa réputation et est devenue une incontournable de la région. Elle a fait rayonner le Lac-Saint-Jean.
Croissance
Une période sombre
L’industrie forestière reçoit un solide électrochoc en 1999 lors de la sortie du film « L’Erreur boréale » de Richard Desjardins et Robert Monderie.
Les documentaristes y dénoncent des forêts publiques mal gérées, non surveillées par le gouvernement, des coupes à blanc et de la déforestation. Les écologistes s’enflamment et provoquent une polémique sans précédent.
« Ça nous a fait tellement mal ! »
Du point de vue de l’organisation Petit Paris, la foresterie est faite de façon responsable, chacune des entreprises québécoises ayant l’obligation d’aménager sa partie de territoire selon les lois de l’époque.
« L’industrie n’a rien fait, pensant que ça allait mourir dans l’oeuf. Dès le lendemain du film, il aurait fallu sortir très fort et dire que ce n’était pas comme ça. »
Le tollé engendre la Commission Coulombe, chargée d’examiner la gestion de la forêt, ainsi que l’écriture du Livre vert par le ministre Claude Béchard. Conclusion: le Québec a besoin d’aménagements écosystémiques pour protéger son territoire et sa faune.
« Personne ne s’y opposait, surtout pas les forestiers ! On avait tous intérêt à ce que la forêt soit là pour durer. Malheureusement, les gens du milieu ont été écartés. »
Dorénavant, le ministère des Ressources naturelles et des Forêts s’occupe de la planification et de la gestion de l’exploitation forestière au Québec. La réforme entre en vigueur en 2012.
C’est venu causer tout un bouleversement. On le ressent encore aujourd’hui.
Résilience
Autres chambardements
Pour ajouter à la grisaille, à travers cette période particulière, une crise financière mondiale éclate. Les coûts explosent et les acteurs de la foresterie n’ont plus d’agilité en forêt pour effectuer leurs opérations. La Coopérative forestière de Petit Paris n’est pas épargnée.
« Il y avait un bon vent de face et les membres ont dû résister. »
Le conflit du bois d’oeuvre survient et n’aide pas à l’atmosphère déjà tendue : les Américains accusent le Québec de subventionner sa propre industrie forestière. En guise de bonne foi, le gouvernement charge des redevances aux compagnies québécoises, en plus de prendre 25 % des garanties d’approvisionnement pour les placer sur le marché libre.
Les travailleurs de la coopérative doivent se serrer les coudes pour passer à travers ces nouveaux changements. Ils se concentrent sur le maintient de leurs activités et mettent de côté le développement de l’entreprise.
Ils ont traversé cette grosse tempête avec beaucoup de résilience.
Résister
Vision et valeurs
Une ère de modernisation
À l’automne 2011, Alain Paradis se fait confier la direction générale de la coopérative, qui reprend tranquillement son souffle. Il arrive de la Côte-Nord avec un bagage de connaissances impressionnant.
J’avais beaucoup d’expérience en foresterie et dans le milieu coopératif. Les dirigeants étaient convaincus que c’était moi que ça leur prenait pour relever les nouveaux défis.
Alain évalue l’organisation : une mise à niveau est primordiale, tant du côté technologique que du côté de la gestion de l’entreprise, afin d’améliorer son rendement. Elle doit être plus productive et diminuer ses coûts de production pour demeurer compétitive. Avec l’accord de leur partenaire Produits forestiers Résolu, Alain et sa nouvelle équipe élaborent un projet de modernisation de l’usine et de ses lignes de sciage.
« Au bout du compte, le partenaire a refusé nos plans. Notre usine n’était pas sa priorité. »
La multinationale tente alors de racheter les parts de Petit Paris, mais ses membres ne s’en laissent pas imposer.
On n’a pas lâché le morceau !
Alliance
Pour la coopérative de travailleurs, racheter les parts de Résolu n’est pas simple puisqu’elle ne jouit pas de fonds illimités. Alain déniche toutefois de précieux alliés : la Banque Nationale du Canada et Investissement Québec.
« Il y avait des gens qui croyaient en nous et qui voulaient que la coopérative survive. On a travaillé fort et on a réussi ! »
Propriétaire à 100 %, le groupe de Petit Paris fait face à un nouveau défi : trouver 15 millions de dollars pour effectuer les améliorations prévues.
Ténacité
Un élan d'innovation
En 2016, avec notamment l’aide du Fondaction de la CSN, du Fonds de solidarité FTQ et d’Investissement Québec, Alain et les travailleurs de la coopérative modernisent leur usine.
Ils construisent une centrale thermique alimentée à la biomasse plutôt qu’au mazout, qui agit comme une immense bouilloire dont la vapeur sert à alimenter les séchoirs à bois : un choix plus efficace et plus écologique.
L’équipe installe aussi une ligne de sciage ultra-moderne qui, en une fraction de seconde, détermine le patron de coupe idéal pour obtenir le maximum de pièces de bois.
Là, on était en voiture ! On était bien équipés pour faire face à la musique !
Modernisation
Efficacité
Courage et ténacité
En 2018, le marché du bois d’oeuvre s’écroule malheureusement encore une fois.
Ça nous a placés dans une situation difficile, on venait de terminer nos travaux. On s’était endettés et il fallait renflouer les coffres.
Alain se retrousse les manches et part à la recherche d’un nouveau partenaire. Petit Paris s’associe avec Gestion Rémabec, qui achète 50 % des parts de l’usine, dont la gestion est toujours assurée par la coopérative à 100 % . Malgré une petite secousse causée par la pandémie mondiale, les activités reprennent en force grâce à cette nouvelle association.
« Ça a été salutaire ! Ça nous a permis de payer nos dettes et de réinvestir dans nos équipements pour avoir une belle usine moderne. »
Avec la guerre en Ukraine et le risque de récession, les marchés demeurent irréguliers. En dépit de tout, les membres de la coopérative restent prudents, mais confiants.
On est retombés sur nos pieds au bon moment. On est en bonne position et on sait que ça va recommencer.
Partenariat
Une équipe du tonnerre
« Je suis entouré de personnes dédiées. C’est rassurant pour moi. Ça aide à passer à travers les moments plus difficiles. »
Afin d’être bien épaulé, c’est à David Boivin qu’Alain confie la tâche de directeur des ressources humaines. En lui donnant ce rôle, il orchestre une seule gestion des 100 travailleurs syndiqués de l’usine et des 200 travailleurs de la coopérative.
« C’est un gars impliqué. Il connaît bien nos gens et toutes leurs sphères d’activité. »
Riche d’une grande connaissance du milieu, ayant lui-même oeuvré sur le terrain, il est aussi responsable des volets santé, sécurité et environnement.
Grâce à lui, on est maintenant une référence dans l’industrie !
David accomplit effectivement plusieurs bons coups pour l’organisation. Il est celui derrière la mise en place du système ISO 14001, entre autres.
« On gère bien notre impact environnemental et on travaille fort pour toujours s’améliorer. »
De l’or en barre
Pour la direction de la coopérative, le travailleur est au premier plan des préoccupations.
« C’est indéniable et ils le sentent. »
Qu’il soit question de ses gestionnaires, de ses membres occupés à la récolte, à la voirie et au transport, ou de ses experts à l’aménagement et à la sylviculture, tous jouissent de salaires intéressants, de bénéfices marginaux, d’horaires flexibles et de bonnes conditions de travail. L’effort collectif est également récompensé : quand l’entreprise est rentable, il y a répartition des excédents.
C’est stimulant parce que c’est LEUR entreprise.
Une fois par année, il y a assemblée générale. Les membres sont présents et votent. Ils acceptent les résultats financiers et endossent les actions du conseil d’administration. L’équité, la transparence et l’esprit d’équipe sont des valeurs qu’ils ont toujours en tête lorsqu’il y a prise de décision.
« Ils deviennent l’instance suprême décisionnelle à la hauteur du rôle qu’ils occupent. »
Collectivité
En coulisse...
Le passionné
Alain Paradis
Directeur général Coopérative Forestière de Petit Paris
PDG Produits Forestiers Petit Paris
« Alain, c’est un capitaine de navire qui regarde toujours au loin. Il fait preuve de beaucoup d’écoute et travaille pour que tous y gagnent. Il nous permet d’être créatifs. »
Natif de la ville de Québec, la forêt a toutefois toujours fait partie de sa vie. Enfant, Alain passe ses étés au chalet familial à Sainte-Brigitte-de-Laval, au nord de la rivière Montmorency.
Il fait ses études en génie forestier et démontre beaucoup d’intérêt pour la voirie. Alain est de la première cohorte d’ingénieurs spécialisés en gestion des opérations forestières de l’Université Laval à Québec. En 1987, l’année de sa graduation, il débute sa carrière à Forestville, sur la Côte-Nord, comme superviseur. Il dirige ensuite le transport de bois vers les usines, puis se charge de réaliser des chemins forestiers.
En 1992, à la suite de la fermeture de la Daishowa à Forestville, il part enseigner à l’école de Foresterie de La Tuque, une pause de deux ans qui le ramène à l’industrie forestière.
Il découvre le milieu coopératif en 1994, en comblant pour la première fois le poste de directeur général pour la Coopérative forestière Manicouagan-Outarde de Baie-Comeau, où il relève de gros défis.
En 1996, il devient directeur des opérations chez Boisaco et la coopérative COFOR de Sacré-Coeur. Il atterrit en 2011 à la tête de la Coopérative forestière de Petit Paris. « La meilleure décision de ma vie ! »
Alain est un être très rigoureux, organisé et accessible. Pour sa planification stratégique, ses compétences, son engagement et son intensité à défendre les valeurs coopératives, il reçoit le prix Mérite de l’excellence en 2017, remis par la Fédération québécoise des coopératives forestières. L’année suivante, il est intronisé dans l’Ordre du Mérite coopératif et mutualiste québécois.
« Ça a été le summum ! Une belle reconnaissance, une belle cérémonie et une belle fierté. »
L’artiste de la Forêt
David Boivin
Directeur ressources humaines / Santé, Sécurité, Environnement
« David, c’est un passionné, sa compréhension du milieu est impressionnante. »
Natif du Lac-Saint-Jean, David provient d’une famille qui oeuvre dans le milieu forestier. Son grand-père possède des terres et est cultivateur.
En 2000, il complète un diplôme d’études collégiales en aménagement forestier au Cégep de Chicoutimi. Il accomplit plusieurs années plus tard un certificat en santé et sécurité du travail à l’Université du Québec à Chicoutimi.
David débute son parcours comme mesureur de bois chez Abitibi Consolidated, puis devient journalier à l’usine de sciage Petit Paris. Il occupe le poste de coordonnateur environnement à la Coopérative forestière de Petit Paris, puis agit comme coordonateur environnement et sécurité chez Rémabec, avant de revenir chez Petit Paris comme coordonnateur sécurité. De fil en aiguille, il atteint le poste qu’il occupe maintenant.
« J’essaie de me mettre dans la peau du travailleur, de penser à ce qu’il vit au quotidien. Ça prend de la compassion et de l’assurance. »
David possède aussi une entreprise agricole qu’il gère avec sa femme et son père à la retraite.
Petit Paris se souvient de ses fondateurs
Gilbert Brassard, Achille Plante, Roger Plourde, Florent Tremblay, Raymond Boulianne, Edmour Patry, Réal Sirois, Romain Malenfant, Fernand Duchesne, Edmour Tremblay, Raymond Lamontagne, Jérôme Plourde et Yvon Bouchard.
Une esquisse de l'avenir...
Un ciel teinté d'espoir
L’organisation fait face à de gros défis. Pour pallier le manque de main-d’oeuvre, Alain et David effectuent une mission de recrutement au Maroc pour intégrer de nouveaux mécaniciens et électroniciens à l’équipe.
« C’est intéressant pour nous parce qu’ils parlent notre langue, c’est plus facile pour l’intégration. Ils sont qualifiés, mais il y a une difficulté au niveau de l’emploi là-bas. »
L’approvisionnement représente également un défi majeur, en grande partie causé par la protection du caribou. Alain ne s’objecte en aucun cas à protéger l’espèce, mais souligne l’importance de le faire sans hypothéquer l’industrie forestière de façon irréversible. Il pense aux autres facteurs à considérer, comme la migration de l’espèce et les changements climatiques.
« Au Lac-Saint-Jean, il y a 23 municipalités qui dépendent directement de la foresterie. Si on limite l’accès aux forêts et si on ferme quelques usines, l’impact est immense pour les communautés et pour les régions. »
Les acteurs de l’industrie travaillent d’ailleurs avec le premier ministre et le ministère des Ressources Naturelles et des Forêts pour réformer le régime en place. Pour protéger les territoires, il est primordial de mieux les aménager afin de maintenir les volumes. Des investissements majeurs en sylviculture sont donc nécessaires.
« Il y a moyen de faire pousser plus de bois sur une moins grande superficie. C’est LE défi de l’avenir. Il est trés critique ! »
Mobilisation
Changer le regard du monde
« On travaille avec une ressource renouvelable, pour moi ça veut dire durable donc, avenir. »
Alain, qui siège à la CIDAL (Corporation d’innovation et développement Alma — Lac-Saint-Jean-Est) et au C.A. du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ), pense que l’ensemble de l’industrie n’a pas réagi assez vite pour prendre soin de la forêt et que les grandes entreprises l’ont tenue pour acquis. Il souhaiterait que l’on s’inspire de la Suède, où les activités forestières sont valorisées.
« C’est une fierté pour eux, il y a du bois partout et tout se récupère. Ils cultivent la forêt, ils l’aménagent et ils sont assez responsables pour prendre soin de leur faune aussi. »
Quand à David, il se demande si les jeunes de plus en plus scolarisés voudront se tourner vers un milieu qui a aussi mauvaise presse. « Je suis inquiet pour la relève. »
Alain et ses pairs se sont mobilisés et ont créé le Centre en entrepreneuriat multi-ressources, afin d’offrir l’aide financière et tous les outils nécessaires à ceux qui deviendront les entrepreneurs forestiers de demain.
Je suis excessivement fier de ma profession.
« Je ne me décourage pas. Avant ma retraite, je me suis donné la mission de travailler fort pour réaligner la gestion forestière au Québec ! »
Coopérative Forestière de Petit Paris
576, rue Gaudreault
Saint-Ludger-de-Milot (Québec) G0W 2B0
418 373-2575
cfpp.comla-coopDirection de l’édition : Audrey Dallaire
Auteure : Mélissa Lussier
Conception graphique : Liliane Racine
Révision : Marcelle Racine
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